il est allé acheter son tabac, il ne reviendra pas elle tourne le dos à la fenêtre, le silence est plus émouvant que ses mots
elle me sert du thé il fait froid dans cette maison, un bruit de mouche
coupe court aux idées elle continue plusieurs minutes après il a tout laissé
même son nom sur la boîte à lettres sourit, hausse les épaules pointue en coin avec ses lèvres
de l'amertume peut-être ? le facteur n'avait jamais rien pour lui elle parle au passé déjà
alors qu'une heure avant il était dans la cuisine Je me demande s'il s'écrira
mais il ne sera plus là pour lire je n'ose pas sourire
c'est comme la vie
on voudrait toujours être là & ailleurs au même moment elle n'en parlera plus
tout cela n'a pris que quelques minutes
drôle de certitude je me demande si ce n'est pas elle qui est partie
restée là sans bouger
sans chercher sans retenir, pleurer, crier
on n'est pas au théâtre
ces mots qu'on m'a déjà balancés en pleine gueule
m'accusant de lâcheté parce que je ne m'opposais pas au cours des choses
au cours des choses
sur la table en verre le reflet de son chapeau
la fenêtre le ciel ces choses beaucoup moins certaines que dans nos yeux
ces choses qui n'ont sans doute aucune nécessité ni d'autre manière d'être là
mon imagination se débride
quand on dit que le temps s'arrête c'est pourtant là qu'on en trouve la trace
encore fraîche de poussière & de saletés
elle ne lavera plus les vitres de la cuisines la maison ressemblera à un poisson mort
qui ne veut plus voir sinon quelques silhouettes un peu d'espoir malgré tout ?
la petite route
trop bien dessinée ne peut rien promettre
il faut tricher
elle rince les tasses
de la buée grimpe aux carreaux
les bruits remplacent la parole
sans se faire remarquer
le silence efface les bruits je ne la juge pas
je ne compatis pas & j'ai le coeur morne
le sentiment des choses graves
elle ne fait rien
ce visage là-bas est-ce moi
qui m'efface lui qui revient encore
elle serait affligée d'être offerte à pareille trahison
heureusement il n'y a pas de visage
un arbre un peu de ciel gris des jours
comme ça dont procèdent nos fantômes
elle revient bientôt
cherche ses clefs tourne en rond comme tous les matins
des larmes coulent à l'intérieur de ses joues
impossibles à sécher
elle rejoue les gestes de tous les jours
la vie la sienne
à peine le menton qui tremble
elle enroule son écharpe & s'en va travailler
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