30 nov. 2011

adagio ma non troppo



Brownie Flash KodaK
négatif papier expiré
f/15, +/-5secondes
révélateur/fixateur

c'est peut-être mon père
au milieu des années 50

le témoin doit faire preuve d'effacement

c'est mon fils
ce matin

l'acte photographique n'est jamais objectif


29 nov. 2011

une gloire oubliée




Brownie Flash camera
KodaK
MADE IN FRANCE
1951 - 1961

f/15, +/- 1/50, bulb



ce matin encore,
il dormait dans le buffet
qui me sert de vitrine. Le pauvre,
qui m'avait été offert il y a une douzaine d' année
patientait
ni sage ni impatient
l'obturateur fonctionnait,... ou pas.

ce matin,
empoignant le tournevis qui traînait
(j' ai toujours quelques outils, choses
& "ça-pourrait-servir" à portée de main)
je me suis décidé à ouvrir l'appareil.
Mon idée était simple,
retire tout le mécanisme,
enlever l'objectif & en faire un sténopé,
plutôt une zone plate
d'ailleurs...

Malheureusement, l'intérieur,
bien qu'un peu poussiéreux
ne souffrait pas la moindre pique de rouille...
Allais-je commettre l'irréparable,
sachant que cette box sans qualité
en eût une quand même : être
l'un des appareils les plus utilisés
dans les familles, quand la photo
à peine commençait à devenir populaire.

Quelques chiffons, un peu d'huile après,
l'appareil retrouve dans le discret frein
de la commande d'obturateur
& le clac net & sans arrogance de celui-ci
un souffle que pour moins que ça
bien d'autres ont perdu à jamais.

Le premier pas dura
plus ou moins cinq secondes
un vrai pas sans secours
à main levé, chargé d'un bout de papier photo
expiré depuis 2002.
Ne faites pas attention aux poussières
qui salissent le cliché, mon scanner
demanderait les soins aseptisés d'un SAV
(acronyme en voie de disparition
depuis que rien ne se garde, tout se jette),
le flou ? restez quelques secondes immobiles,
vous saurez que c'est impossible...

simplement merveilleux






quelqu'un


Flânerie, le silence bruit



le ciel est descendu presque à terre aujourd'hui

la tête dans les nuages
m'offre de voir loin, loin
jusqu'où voir n'est rien

une corne de brume ? cette voix venue d'en bas...

quelle commune indifférence
nous fait aller d'un même pas,
- mon semblable, - mon frère !

nous avons même séjour & si peu de mémoire

qu'il soit question d'amour !
dans les yeux de l'aimé
l'aimée brille d'une autre lumière

quand la nuit est venue nos voix allaient de bouche en bouche

28 nov. 2011

vie & mort de François Villon



Vie & mort de François Villon








quelque part disparu




l'encre rouge des fleurs
n'a jamais ressemblé au sang

il était si bon de boire & d'aimer

tuer pour ne pas être mort
le rire coinçait dans la gorge

quand il faisait froid ou trop soif

encore quelques mots
écrits sur la table ou le sein d'une fille

combien d'enfants ne portent pas mon nom ?





ostinato - 3






j'ai repris de vivre
avec ivresses de tout

seul même en compagnie
j'oublie les rires les cris les larmes


je ne saurai jamais
si tu es morte de toi ou de moi

tu m'as laissé endormi
avec un peu de sang sur mon ventre
tu n'auras de nous
aucune histoire à cacher


le goût du poison
était sucré était acide

ciel de lumière
à ma peine

& encore un peu de terre
sur mes mains paix à ton âme

ostinato - 2





les pleurs d'une autre
passés d'elle à mes joues
sont-ils de toi ?

le petit lit est allé aux flammes
avec le creux de nos reins
dessiné dans la paille & le crin

la route s'en va en montant
quand je regarde en arrière
je regarde vers le bas

ostinato - 1





s'aiment en silence
ce que font les amants cachés

n'est pas un secret

je caresse les rêves
sous l'or & le velours
qu'elle porte
son corps nu

avant qu'un jour d'oubli

n'enlève méconnue l'ombre
qu'elle m'avait laissé


24 nov. 2011

méditation

cette fille s'appelle
Sarah




elle habite là-haut
au bout du couloir



tous les jours
elle regarde le ciel



ses cheveux sont déjà
couleur du sable
(un bruit de moteur allait vider le monde)

le petit roi

il y avait bien un coin de mur qui pouvait
dans son imagination fertile sembler un trait
d'horizon, mais dans ses grands yeux secs
aucune liberté, sinon le fracas du chantier


une peinture orange blanchie du soleil
dessinait un nuage sur son ciel en béton
tandis que tout ce qui rappelait la terre
disparaissait dans le sombre & la poussière


quelques folles lettres s'essayaient vainement
à produire du son, mais que voulez-vous,
ce petit roi silencieux n'avait de pouvoir que résister
quelques temps encore aux mâchoires des machines 


23 nov. 2011

temporel

sous nos pieds
d'autres épaules


le poids
l'épaisseur
& le fragile


gisants de poussière
dorment à Pompéï
gisants de lumière



d'avenir & d'oubli
sur nos épaules

21 nov. 2011

l'avalée des larmes

pour Mu



Elle a ouvert son coeur

Je ne sais pas
mais il y a du sang
rare & précieux liquide n'est-ce pas ?

Il y a toujours
quelque chose qui coule
avant de se figer

Elle a ouvert son coeur

Comme une dent qui fait mal
qui bat
la tête les seins les cuisses

Tout le corps chassé
pour une dent pourrie
tes caresses inutiles, Monsieur

Elle a ouvert son coeur

Monsieur il n'en mange plus
il ne la regarde pas
quand il la pousse vers la sortie

Les mains devant les yeux
tombe de la nuit
en fines cendres

Elle a ouvert son coeur

De toutes les boues
celle-ci est la meilleure
mais il faut tellement attendre qu'elle soit reposée

Souvent
nous pensions à d'autres choses en faisant l'amour
& cela me fait mal aujourd'hui

Elle a ouvert son coeur





18 nov. 2011

le silence





lettre du 18 nov.
(...)


Tu avais tellement raison ! j'ai simplifié le
rythme,
retiré jusqu'à la disparition  les quelques
notes...

De mon oeuvre de génie il ne reste,sauf
de rares tâches de lumière & cette nuit
absolue,
rien.

Tu le savais,
toi,
que cette musique que nous jouions
ensembles,
après que les mains s'étaient
données,
après que nos bouches
échangées
sur des mots sans paroles,
tu le savais,
toi,
quelle mortelle solitude nous passait par le
corps...

Pourquoi m'as-tu demandé cela ?
Le piano respire encore
mais le meuble a remplacé l'âme,
pourquoi ?

En silence,
elle me tourmente plus attachée qu'une ombre
Oui,
il ne nous reste que les nuits,
il ne reste rien.

                                              F*




Note

F* était musicien génial, un homme de joie, à la musique parfois désespérée de lumière,
F* est mort jeune, il est jeune pour toujours, il est mort pour toujours. Son silence est là, pour toujours.

17 nov. 2011

Salve Regina

Tulipaa,



Mademoiselle, écoutez-moi

nos humaines choses ont de beaux restes
en témoigne l'ivresse de mes mains

je récure le vide à grand espoir
sans savoir y croire,
l'éternelle beauté
contre tous mes principes reste jeune

tu le sais, je le veux

ma bouche, d'avoir tant juré, tant baisé
toi sauve encore & reste le
si peu honoré a pris le pli de mon âge

Mademoiselle, écoutez-moi

je vous implore de ne plus m'écouter
de ne plus me rêver
& d'embrasser le premier venu

Mademoiselle
faites-le, pour rire, pour demain


16 nov. 2011

Exode XX

hameau de F** dans le Tarn (F-81)















le temps s'écoule
emporte les enfants & le ciment des murs

les pierres ont tout vu
elles ne diront rien
elles ont depuis longtemps
avalé le sang
qu'elles ont connu
écrasé les cris
des guerres & des enfants

personne n'a jamais eu
dirait-on
le courage de graver sur elles
ou dans l'écorce un coeur
un nom ou une insulte
sinon
il n'en reste rien

les portes sont verrouillées
les fenêtres béantes

les derniers hommes
y sont dans l'oubli avant
d'être avalés par la terre

15 nov. 2011

je pense à elle





le temps passait
les dernières feuilles après l'or
tapissaient le sol

elle restait là

un vague sourire sur ce trou édenté

le temps viendra
des premières pousses vertes
habillant les branches

quant à elle

liquide & trop sèche pour pleurer

Was ist “Rhein II” ?

Andreas Gursky

l'or du monde a-t-il aussi l'odeur du soufre ?


 un long fleuve tranquille


j'aime que la photo
vibre du tremblement de la main
imprécise
qu'elle ait échelle humaine

ce que j'aime ou n'aime pas est ici sans intérêt


ceux qui disent qu'enfin
la photo a "la valeur" d'un art majeur
ont-ils toute leur tête ?

nos bouts de papier
ouvrent grand la bouche
montrent dents de velours
des maquignons d'art y mettent des liasses de billets
ceci ressemble étrangement
au bordel d'une foire à bestiaux

AVIS SOLENNEL :

si un imbécile consent à me verser quelques millions d'euros,
de dollars, même,
pour une ou quelques photos maigrichonnes, floues
& sans intérêt
je l'en remercie par avance

J'accepte,
mais j'aurai ensuite bien du mal à croire en ce que je fais



une mer infinie

Monsieur,

célèbre inconnu
je ne vous reproche rien,
mais quel est cet autre monde
où quelques un jettent le fric
avec plus de facilité que j'en ai à jeter l'éponge ?



14 nov. 2011

débords





près du hameau de F** dans le Tarn (F-81)

la route s'arrête ici

ici n'a pas seulement connotation spatiale
la route s'arrête ici
le temps qui y coule date de quelques générations

fin d'après-midi

ne se voit pas sur la photo
0.8 seconde est une éternité quand on tient l'appareil
j'ai cadré, tenu l'immobilité une fraction de seconde
avant de reprendre à marcher
les arbres du ciel & les couleurs du sol sont les mêmes

le temps déborde
l'image coule

plus tard


rentré de promenade
maintenant au coin du feu chez E**
le repas s'est achevé tard à tant parler

E** est un vieux monsieur
E** est artiste peintre
E** a horreur de la photo nous n'avons parlé que de cela
(& de lui)

petite expérience


j'avais avec moi ma clarinette, je savais que cela lui ferait plaisir
j'avais imaginé
improviser dans l'atelier
& lui en ferait composition aquarelle ou acrylique sur une grande feuille de papier
Suivrait-il mes gestes, mes intonations, mon rythme...
cela ne s'est pas fait
...
tard ce soir là
il m'a demandé de jouer le feu de la cheminée
les gros rondins, le tapis de braise, les flammes, la fumée,
l'odeur
& le feu est beaucoup plus que ce que je dis là
j'ai "joué" le feu
puis nous avons apporté une nouvelle dimension
E** allait mimer le feu
j'ai joué cela

fin de la soirée longtemps après

process


n'est-ce pas ainsi
que je fais mes photos ?
à une différence cependant,
il ne reste de cette soirée aucune trace matérielle

c'est sans doute plus vrai comme ça

11 nov. 2011

avenir





il me faut simplement pendant l'éternité qu'il me reste ne plus craindre le simple

10 nov. 2011

fenêtres

pour Mu Lm




c'est ça aussi

traits de scie
au mur
des lumières
d'une langue râpeuse
tu disais velours
mais
c'est ainsi ici

le mur & la scie
font la sciure
rouge




tes
quelques mots pendus aux lèvres
corde
meurent s'échappent
échelle

j'ai entendu fenêtre

sur le béton
tu devais être couchée
nue enroulée seule
tu te demandes

il regarde


9 nov. 2011

changement de propriétaire

La situation :

4 lieux d'art & quelques idées qui les relient :

    le dessin
    la première expérience
    l'amateurisme
    l'évanescence
    appropriation / expropriation
    diffuser

j'y ai mis aussi le hasard, car je ne pouvais prévoir les bribes de phrases cueillies cette après-midi-là, ni évidemment les prolongements ou les racines qu'elles feraient surgir.

Ci-dessous le document en PDF, constitué des photos des pages de l'original & final, puisqu'il est un unique exemplaire, qui sinon détruit, n'est plus consultable quand même, à moins d'en déchirer l'emballage.
- Pourquoi ?
- Pourquoi pas ! Ah ! ah ! ah !
(les pratiques amateurs sont parfois comme les vices, on cherche à les cacher...



- - . - .

8 nov. 2011

Préface

(Que ceux qui n'aiment pas les préfaces ignorent ce billet. Ils auront loisir de feuilleter le suivant)


Mes quelques fidèles abonnés auront constaté que depuis quelques semaines, ce blog ne s'enrichit plus aussi vite qu'il le faisait.
Tout simplement, c'est la panne ! en panne de mots, des photos qui sont loin de me satisfaire, un trou noir où les idées ne brillent plus assez.


J'ai eu l'occasion le week-end passé de participer à un parcours dans quatre lieux d'exposition de la banlieue sud de Toulouse (F-31) dans le cadre de la programmation Graphéine, intitulé "La première fois".


J'ai pris le parti de la performance
une performance non spectaculaire,
d'ailleurs,
qui a vu,
qui s'est douté de ce que je faisais ?


Mon appareil photo à la main, calé sur ISO 800, du grain, le zoom grand-angle de base, à pleine ouverture, il y a plus de défauts optiques, pour raconter selon quelques images cette après-midi-là


Dans la poche, mon carnet, un stylo, & je note ou ce que j'entends, ou ce qui me passe par la tête - les idées - même vaines - ne sont jamais gratuites, ce que j'éprouve, ou ce que pense.


 Parce que je voulais savoir si "réellement", c'est-à-dire" dans la réalité", je saurais percevoir la magie qui fait sens.

Les choses étaient simples d'un point de vue pratique : à l'issue, je rattacherai les fragments de textes, y intercalerai quelques photos, avec le moins de modifications possibles (j'ai corrigé les fautes d'orthographe, n'ai rien ajouté pour ainsi dire au texte, retranché plutôt; développé les RAW avec beaucoup de contraste, de densité & d'accentuation pour un rendu "photocopie")

 garanti sans conservateur
Exemplaire unique


J'ai imprimé tout cela sur papier machine
& commencé à découper le texte,
organisé & collé tout cela sur un Canson léger.

je l'ai feuilleté, me suis octroyé un léger compliment,
puis j'ai emballé cet objet fragile & périssable
dans un film alimentaire.
Il est maintenant illisible...


changement de propriétaire
36 pages, format A5
papier machine, papier dessin agrafé, colle, scotch
film alimentaire, ficelle


bonne non-lecture



5 nov. 2011

brièvement


l'ambre
l'or
la blonde

retenu sans sève
le ciel essoufflé
bouscule
le temps l'amant
de saison
des choses
s'applique
aux arbres aux hommes aux nuits
ses mains les siennes
surprises sans lendemains

l'ambre
l'or
la blonde

le dernier cri
d'un geste qui hésite
n'avait pas
déjà commencé il savait pourtant les soupirs


4 nov. 2011

c'est pour le "et"

pour Viviana

"L'esperluette est la clef de sol de notre écriture"
Ian Tschichold




&
un
monstre
était silencieux
piano aqueux
au fond du verre
ne touchera 
ne finit pas de finir
le spectre de bulles
jamais le plafond
en joue des deux mains
tant qu'en sont
crire c'est tragicle
rouges les joues
les doigts hésitent
c'est ainsi que la terre retient
les hommes
hésitent

&

alors ?


2 nov. 2011

cadavre exquis

« jeu qui consiste à faire composer une phrase, ou un dessin, par plusieurs personnes sans qu'aucune d'elles puissent tenir compte de la collaboration ou des collaborations précédentes. »
dictionnaire abrégé du surréalisme

convocation des volontaires : bibliothèque personnelle de poésie, 10 ème vers de la page 10 de 10 livres pris les yeux fermés (+ou- 1 pour tous les paramètres)



Vous avez honte quand vous vous surprenez à dire une prière
Et ferma les yeux pour toujours

- Je suis jeune !
pas entièrement innocente, entreprend le "combat obscur incertain"
de fleurissantes baies, qui me fassent mourir
les feuilles vertes se miraient aux vitres vertes

Je profère les mots des premiers âges, je fais le signe de démocratie,
Si les nuages s'accumulent sur ton toit & que la pluie t'épargne.
Et  avec son boeuf & son âne en bois d'Allemagne. Peints.

Voir ! Des vivants ! Une fois encore !




avec : Franck Venaille, Charles Péguy, Pierre Reverdy, Walt Whitman, John Keats, Francis Jammes, Pierre Jean Jouve, Louis Aragon, Guillaume Apollinaire, Louis Calaferte  in Gallimard